Viva Espagna
Dimanche 19 septembre. Pille un mois que je roule. Un petit crochet dans le village de Lasse, village basque typique, où j’ai rendu visite à mon ami Jon. Magnifique maison familiale séculaire où je rencontre - trop brièvement - une famille ouverte et sympathique. Après quoi j’ai consacré ma journée à gravir le sommet du col pour franchir la passe de Roncevaux, et me retrouver sur l’autre versant des Pyrénées. 27km d’ascension dont 18 de pente assez rude. Mais ma journée de farniente à St Jean Pied de Port a porté ses fruits : je me suis hissé tranquillement jusqu’au col de et me suis offert le piquenique au sommet, devant un paysage somptueux. Une stèle y évoque les exploits de Roland en 778. Notez que pour ma part, je ne considère pas comme un exploit de fendre avec l’épée des hordes de Sarrasins en deux, du crâne au croupion. Franchement, pour l’objecteur de conscience que je suis, et qui déteste les identités « meurtrières », il y a des choses bien plus constructives que cela. Mais bon : autres temps, autres mœurs ! Laissons Roland où il est. « Paix à ses os ! », comme dit Sanseverino. Roncevaux (Ronces valles, on est en Espagne !) compte juste quelques belles bâtisses imposantes, quasi millénaires (style roman ou gothique), hostelleries, églises, chapelles, toutes dévolues initialement à l’accueil des pèlerins et c’est encore à moitié le cas aujourd’hui. Il y a d’énormes dortoirs pour les pèlerins : 500 places à Roncevaux, paraît-il . Zoning industriel de l’âme chrétienne! Toutefois, je passerai la nuit dans une « boite », container préfabriqué, avec quatre autres vélomanes. C’est le sort obligatoire du cycliste ici. Enfin, le module étant petit, ça a au moins le mérite de tenir chaud dans la nuit glaciale de la montagne. A huit heurs du mat, on est prié de quitter les lieux. Caramba ! Impossible de prendre la route : 3° au thermomètre ! Je roule trois kilomètres et puis je manque de trépasser, gelé. Je m’engage, les mains figées dans un petit bar ou je me réchauffe peu à peu en prenant mon premier desayuno espagnol. Peu après je tombe sur une bande de cyclistes de Barcelone qui me solutionnent avec génie le problème de ma remorque, à l’aide de quelques Colsons. Et je me laisse descendre enfin sur le versant Sud de la montagne, goûtant la sérénité mécanique de mon attelage qui ne tangue plus et qui fend l’air dans le souffle matinal silencieux. A midi, je mange à côté de polonais qui jouent aux échec sur une aire de pique nique, à proximité de leurs camions dans lesquels ils habitent. Ils savent vivre, ces polaks !
J’atteins Pampelune début de l’après-midi. Grosse ville, très belle. Je manque plusieurs fois de me faire tuer tant les routes sont dangereuses à l’approche de la ville, puis tombe sous le charme et décide d’y finir la journée et dormir là. Auberge pour pèlerins dernier cri. Tout est neuf de chez neuf, clean, design, hightech (laves linge, ordinateurs, sanitaires 4 étoiles…. Où sont les pèlerins d’antan, leurs capes poisseuses, leurs bâtons ?). Bon je ne crache pas néanmoins sur une bonne douche qui décrasse et rafraîchit l’odeur. La ville est magnifique et ne manque pas de petits lieux sympas et populaires, à côté de monuments séculaires et très beaux. Je fais mes premières armes en Espagnol. Je ne dois pas être très convainquant mais on a l’air de me comprendre, c’est déjà ça. Je flâne un peu ; j’envoie un SMS à mon amie Rosa, espagnole de souche, à qui je pense en buvant un premier vino blanco dans un bistrot ; elle me répond qu’elle s’en sert un pour trinquer avec moi. Magie des nouvelles technologies ! j’écoute depuis la place les échos d’un chœur classique qui répète, une œuvre classique. La puissance d’un chœur, lointain, est magiquement émouvante, à fortiori peut être quand on est seul dans une ville où on ne connait personne. Demain, je m’enfoncerai pour de bon dans dans la péninsule ibérique. Une nouvelle tranche de voyage commence. Je pense que je vais suivre le chemin de Compostelle. Il y a des auberges de pèlerins tout au long. Occasion de faire des rencontres et de profiter des infrastructures de logement qui sont nombreuses, bien équipées et à des prix très raisonnables. Ce sera toujours ça d’économisé.
Pampelona, albergue de peregrinos
Le lendemain je pars de bonne heure et rejoins sans mal les petites villes que traverse le « Camino ». Je brûle quelques étapes et rejoins la grande ville de Logrono, où coule l’Ebre, fleuve mythique de la guerre d’Espagne. Je me suis je pensé que je vais trouver à bien me loger. Aiiiille ! Ne pas se faire avoir par l’appât des villes ! Lorsque j’arrive à Logrono, 18h30, plus de place à l’auberge où d’ailleurs, ils ne prennent pas les vélos. Pas de place non plus dans les hôtels. Ceux de la ville sont complets parce que c’est la fête locale. Finalement je trouve refuge dans un lieu d’accueil sommaire où l’on dort sur des mousses à même le sol. Il y a une douche, toutefois. Le lieu est tenu par deux bénévoles, José et Emmanuelo, l’un psychologue,
Puente la Reina
l’autre camionneur, tout deux hyper accueillants et sympathiques en diable. Ils font la cuisine et on paye ce qu’on veut. On partage un repas simple mais bon et copieux avec quelques personnes de passage sympas. Bon, pas si mal. C’était sans compter avec la chaleur, la fenêtre ouverte et, juste en bas, la fiesta locale, genre fêtes de wallonie, les namurois comprendront. Ils se sont calmés vers 6h du mat ! Camino frances de Santiago : 1ère leçon ! Voila en résumé, le début de mes aventures Espagnoles. Je sens que c’est bien parti.
A plus
Pierre
Statues à Logrono