Massif central KO au deuxième round

Publié le par radiopipette.over-blog.com

 

Quatrième jour dans le Massif central. Je poursuit ma route vers le Sud. Avant de quitter Issoire, je prends le temps de jeter un coup d’œil sur le cours de l’Allier, très belle rivière, et aussi sur la ville, son église abbatiale. Encore un joyaux d’art roman, tout polychromée à l’intérieur, pleine de sculptures magiques. Malheureusement, j’ai trop peu de temps à y consacrer et ne suis pas à l’aise de laisser mon vélo chargé dehors sur la place, un jour de marché. Bon faudra revenir, surtout que la ville est très jolie, avec des façades colorées. Frustration de la vie nomade ; il faut être à destination le soir ou s’apprêter à dormir n’importe où, ce que je ne fais pas, pas encore, en tout cas. De plus, aujourd’hui, il fait lourd et le ciel se charge de cumulo-nimbus à la mine patibulaire ; pas envie d’être dehors ce soir. Je prévois d’arriver à Saint Flour.

 

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Eglise abbatiale d'Issoire 

 

De belles côtes pour commencer la journée, puis une partie plate dans les gorges de l’Alagnon, entre Lempdes et Massiac, ou je me trouve sur le trajet d’une course cycliste. Les coureurs casqués, mâchoires prognates et mollets saillants, en maillots bigarrés slaloment pour me croiser, ou tentent (et réussissent même) de me dépasser avec un air étonné ou goguenards, c’est selon.  A Massiac, je croise un attelage pas banal qui me vole la vedette: une sorte d’hybride en bois entre le chalet suisse et la roulotte de bohémien, décoré de manière totalement kitch tractée par un motoculteur, flanqué d’un fier conducteur à la moustache fleurie. Là, plus personne ne s’intéresse à mon vélo. Y a quand même des originaux !

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Après Massiac, une ascension très longue, environ 20 km m’emmène au col de la fageole (altitude 1114m). Je suis tout cassé. Grande descente, 300m de dénivelé, sur Saint Flour. Là, je m’offre le luxe d’un petit hôtel.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Vue du col de la Fageole

 

Je tombe en pleine effervescence : la patronne vient de mettre au monde une petite fille prénommée Chiara. Le patron au bar et ses copains ont décidé d’arroser l’évènement et la fête bat son plein. Tous sortent sur le trottoir faire des commentaires sur mon vélo à trois roues. Mais visiblement, ils voyagent essentiellement dans les méandres des soirées au bar. A chacun ses voyages, donc. Je dîne au petit resto de l’hôtel, simple mais bon, service chaleureux, et clientèle sympa avec gros biceps tatoués, puis monte dormir, terrassé de fatigue. Le lendemain les tables sont dressées pour le petit déj. mais… personne pour le service ! Nous poirotons avec d’autres clients pendant plus d’une heure avant de nous résoudre à aller petit-déjeuner au bistrot du coin… où les patrons, on dirait bien, boivent du petit lait en entendant les mésaventures de leur concurrent de voisin : « Encore un peu de pain, monsieur ? Tout va bien ? Vous ne manquez de rien ? », le sourire jusqu’aux oreilles! De retour à l’hôtel, je tombe un patron, enfin arrivé, arraché à l’horizontalité par les forceps du métier, prostré, qui traine une plantureuse et indescriptible gueule de bois, se confond en excuses bredouillées et m’avoue tout de go qu’il ne se rappelle plus de la fin de soirée d’hier. Il finit tout de même par me dire que sa «fille étant désormais bien arrosée, elle devrait pousser sans problème ! ». Je lui accorde mon pardon, lui recommande quelques Efferalgans. En route !

 

A Saint Flour, il y a la vieille ville ou ville haute, accrochée à un éperon rocheux et dont l’imposante cathédrale gothique surplombe le paysage de bien 100m.  Et la ville basse, où j’ai dormi. Pas besoin de vous faire un dessin : je dois me taper la côte en début de journée :ça démarre fort, très fort, mais en petite vitesse! Cela donne le ton. La journée sera rude. A propos, petite digression à propos des auvergnats. Le cycliste devra s’en méfier à deux titres : tout d’abord quand ils vous disent : « ça monte mais c’est pas bien méchant ! » Ne croyez jamais une chose pareille. En fait ce sera toujours gratiné. Ensuite quand ils vous disent « Oulala ! par là, ça monte ! » : ne manquez pas de prendre la chose très au sérieux et attendez vous au pire.

 

Il me faut d’abord gagner Chaudes Aigues, par une enfilade de quelques côtes bien torchées, puisart-contemporain-a-Chaudes-Aigues-compr.jpg s’élever tout droit vers la plateau de l’Aubrac, à plus de mille m d’altitude. Je finis tout de même, après un ultime rétablissement avec vélo, par me hisser sur le plateau. La récompense ! Paysage doucement vallonné à perte de vue, un paradis du cycliste. L’Aubrac offre un superbe paysage quasi désertique, parsemé de vieilles bâtisses à moitié enterrées que l’on appelle des burons. Les paysans du coin y passaient jadis l’été avec leurs troupeaux et y fabriquaient les fromages du crû : la tomme et la tomme fraiche d’Aubrac, entre autre. Aujourd’hui, la

                                                                                       Créativité à Chaudes Aigues 

 

plupart des burons sont désaffectés. Les prés jaunis témoignent de la sécheresse de l’été. Pourtant les sources et les ruisseaux coulent abondamment. Je visite quelques petits villages. Il y a même là un bled qui s’appelle « Deux verges ».

Deux-verges.jpg Je me suis demandé si c’est en l’honneur des villageois qui en ont deux, et alors là c’est des gros vantards, ou alors s’il n’y en a que deux pour le village et là : que de travail ! Dans un village du nom de La roche Canilhac, je repère un petit bar épicerie où je me laisse attirer. M’apprêtant à y commander mon Coca Cola quotidien, quelle n’est pas ma surprise de découvrir une collection impressionnante de thés. Je boirai donc un excellent Darjeeling en faisant la conversation au patron avec qui nous discutons voyages au Maroc.Nasbinals

Il me raconte aussi son installation sur l’Aubrac où, lui, originaire de la Sarthe en Normandie, et sa belle ont repris cette épicerie, ancienne propriété familiale. Nous parlons des hivers longs et rudes. Il aime ça, cette isolement sur le plateau. Sa femme passe l’hiver à peindre. Et les toiles sont exposées dans le bistrot. Plus loin, je dors dans un gîte, à Nasbinals, loué pour pas cher la nuit. Endroit de rêve !

 

Le lendemain, une longue étape en descente, 100 km, me conduira à travers l’Aubrac vers Laguiole, puis la vallée de la Truyère et ses impressionnantes installations hydro-électriques, la ville d’Entraygues, puis la vallée du Lot, jusqu’à Conques, ville étape millénaire sur le chemin de Compostelle. Les châtaignes se fendent en tombant sur la route et les plaisirs et douleurs du Massif central sont derrière. Je ne suis pas mécontent de moi.

croix-d-Aubrac.jpg                   Croix, le paysage d'Aubrac en est parsemé Col-d-Aubrac.jpg

 

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M
<br /> 07h15 dans la moutarde de l'Aube (dans l'Aube de la moutarde ?).<br /> Je ferme les yeux et je vois les paysages d'Auvergne.<br /> Le pied levé a eu une pensée émue pour toi lors de son passage à Marsinne. Cocooning à la maison avec la chambre 715 de Saint Gervais. Je t'envoies un mail quand je rentre.<br /> Bonjour à Céline, Bertrand et Camille quand tu arrives chez eux.<br /> Grobisoux<br /> m<br /> <br /> <br />
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